Basé sur le livre de Patrick Süskind, « Le parfum » raconte la légende de Jean-Baptiste Grenouille, à la manière d’une fable historique dont on aurait perdu la trace tangible, laissant pourtant derrière elle une fragrance parfois nauséabonde.
Grenouille est expulsé des entrailles de sa mère en 1744 au milieu du marché aux poissons à Paris, l’un des endroits les plus puants et cradingues de la capitale. Le nouveau né sanglant abandonné à même le sol par sa mère qui clairement n’en veut pas, découvre à ce moment -là son don olfactif exacerbé. Comme une compensation, ce moment est un équilibre parfait où l’horreur de la situation est contrebalancé par le merveilleux. Jusqu’à l’âge adulte il a une vie misérable d’esclave, sans amour, mais survit aux pires conditions et traitement comme intouché. Il est absorbé par le monde des odeurs, leur richesse, leur intensité et nuances, sa seule source de bonheur. Il perfectionne son talent pour mieux en jouir jusqu’à ce qu’il croise au hasard d’une ruelle, le parfum le plus remarquable qu’il soit, celui d’une jeune fille. « L’âme d’un être est son odeur » En voulant s’approprier le parfum qu’il vénère, il veut posséder l’âme et son pouvoir. Taciturne, Grenouille admirablement joué par Benjamin Whishaw, absorbé intérieurement par sa quête d’absolu, est un personnage ambiguë dont les valeurs ne sont celles du commun des mortels. Ni sympathique, ni antipathique, n’ayant lui-même pas d’odeur (et pas d’âme ?) développe au cours de son initiation à l’alchimie des parfums un plan d’action pour atteindre son but métaphysique. Il doit sacrifier de 13 jeunes vierges dont il extrait, et conserve l’arôme pour obtenir le parfum légendaire de l’Egypte ancienne, capable de procurer une extase édénique. Il accomplit méthodiquement sans passion ni sadisme, plutôt comme un devoir, les sacrifices nécessaires à son dessein, sacrifice auquel les victimes ne peuvent échapper, Grenouille semblant soutenu par un mystérieux pouvoir dans son implacable projet, comme une fatalité. A la fin du film alors qu’il est condamné pour ses crimes à la torture jusqu’à ce que mort s’en suive, on assiste à une scène miraculeuse et fascinante. Grenouille au moment où on vient le chercher pour l’échafaud ouvre la bouteille du fameux parfum et on le voit arriver en carrosse, dans des vêtements princiers sur la place du supplice. Bien sûr on soupçonne l’effet du parfum, capable de changer la conscience de ceux qui le respirent, mais cela devient clair alors qu’il fend la foule, recevant une déférence quasi-religieuse sur son passage. Le bourreau se met à genoux criant à l’innocence de Grenouille qui monte « sur scène » et tel un envoyé divin prodigue les effluves enchanteresses de son parfum à la foule rassemblée qui entre alors en transe extatique, donnant lieu à une orgie monumentale. Grenouille témoin de son pouvoir absolu qui semble lui-même immunisé contre l’effet du charme, savoure sa victoire en jubilant intérieurement. Inspirer un amour absolu, intense et inconditionnel à quiconque croise sa route est certainement le pouvoir le plus ultime et Grenouille se rend compte que tout lui est possible, il est potentiellement le maître du monde. Tout comme le mystique qui atteint l’union avec le divin n’a plus besoin de rien, Grenouille ne désire alors plus rien, et sacrifie son œuvre en s’offrant en pâture sur son lieu de naissance. Celui qui touche à l’absolu en est libéré, libéré de tout.