Petit joyau esthétique au charme résolument rétro, ce film indépendant réalisé par Anna Biller, vous en met plein la vue, littéralement. Les couleurs chatoyantes des 60’s brillent d’un éclat suranné sur la pellicule 35mm comme un effet psychédélique d’une époque perdue et retrouvée. Le décor et la mise en scène fourmillent de détails minutieusement choisis dans le but de créer une atmosphère de magie quasi-surréaliste dans un contexte bien particulier. Parce que oui, c’est bien de magie, magie sexuelle, magie de l’amour dont il s’agit, incarnée par le personnage principal, Elaine, une sorcière à la séduction diabolique et fatale.
Entre parodie et hommage kitsch, « The Love Witch » dépeint la vie d’une sorcière moderne et glamour usant de potions magiques et rituels sordides pour transformer la tragédie de sa vie amoureuse en un conte de fée.
Cette histoire à la limite du naïf affligeant ne tombe pourtant pas dans la niaiserie, sauvée par l’intention sous-jacente qui transparait dans l’abondance de références occultes, et surtout une autodérision ravageuse. Le rythme lent bercé par les accents jazzy sensuels de la bande son permet de se repaitre du spectacle visuel à la qualité impeccable. On ne peut que ressentir la nostalgie d’un temps où le perfectionnisme de l’image dépendait d’un sens artistique et technique plutôt que d’effets spéciaux grossiers.
Mais le cœur de cette création sensuelle se trouve résolument dans la célébration de la féminité dans toute sa splendeur. La présence et le charisme d’Elaine (Samantha Robinson) contribuent pour une grande part à hypnotiser et nous ensorceler, pour rappeler que le cinéma est un outil magique au sens ésotérique du terme. Le pouvoir érotique de la femme est exposé sans tabou pour séduire les hommes et les assujettir à l’amour. Il ne s’agit pas d’un féminisme séparatiste des genres, où la virilité « dangereuse » de l’homme doit être annihilée pour permettre à la femme de s’épanouir. Non, la virilité de l’homme et ses qualités intrinsèques sont les objets du désir. La quête sans complexe d’Elaine est des plus classiques, elle cherche le prince charmant, elle rêve de se donner à lui et le damner par sa séduction.
D’inspiration thélémiste et païenne, la magie sexuelle est évoquée lors de rituels au sein d’un cercle magique (coven) sans excès de satire ni d’adhésion totale. On sent une certaine neutralité dénuée de fanatisme mais tout de même bien informée et sympathisante, ce qui donne un aperçu assez juste d’un monde fantasmé par beaucoup mais finalement peu connu.