Le Diable émoustille, tente, fascine, et effraie les grenouilles de bénitiers. Depuis l’antiquité et peut-être même depuis l’aube de l’humanité, les démons de tous ordres ont joué leur rôle d’adversaire des dogmes établis. Les messes noires, loges sataniques, sabbat des sorcières et pactes avec le Prince des ténèbres font partie d’un héritage culturel encore prépondérant dans les consciences. Depuis toujours, le magnétisme des mystères obscurs de la perversion et l’accès à une connaissance interdite ensorcèlent les âmes de ceux qui se détournent de la lumière blafarde du monde des apparences.
Lorsque Dieu est sourd à leurs supplications et prières, les hommes se tournent vers la flamboyance des légions démoniaques pour être entendus. Lorsque la famine et la peste ravageaient l’Europe au Moyen-âge, les sorcières et les messes noires foisonnaient pour conjurer le sort. Quand la mort, la maladie et la pauvreté dominent, les portes de l’Enfer sont grandes ouvertes. Aux grands maux, les grands moyens.
Pour revenir à une époque plus récente, le renouveau occulte du 19è siècle mêlé au romantisme noir créent de nouvelles formes d’adoration du Malin. La décadence décrite par Joris-Karl Huysmans, et les frasques d’Aleister Crowley (la bête 666) confirment le parfum de soufre qui se répand insidieusement dans le monde occidental pour ravir les esprits les plus sophistiqués. L’image de la sorcière maléfique des campagnes laisse la place au mage et à la prêtresse inspirés par la connaissance occulte. Les intellectuels, artistes, nobles et notables se croisent dans ces loges initiatiques où les secrets les plus licencieux s’exposent tandis que les perspectives ésotériques dépassent l’imagination. Cette effervescence souterraine laissera des traces dans la littérature et la création artistique pour changer les consciences définitivement en promulguant une "dédiabolisation" du Satanisme... Habilement, Satan reprend le pouvoir par la séduction en dévoilant son intelligence et la promesse de voluptés raffinées.
Puis, L’Eglise de Satan verra le jour, la nuit de Walpurgisnacht en 1966 aux Etats-Unis et annoncera l’avènement d’une nouvelle ère où le Diable affirmera un pouvoir insolent par-delà les croyances et superstitions. Le satanisme matérialiste d’Anton Lavey se distingue par son pragmatisme adapté au monde, un élitisme où le mérite personnel est le critère dominant, et un sens de la mise en scène indéniable. Controversé ou encensé, le Satanisme laveyen a le mérite d’avoir « ouvert les hostilités » en toute franchise en ouvrant un vortex pour la manifestation des pratiques de la Voie de la Main Gauche en Occident au 20ème siècle.
Au 21ème siècle, le mouvement se perpétue avec plus ou moins de brio, et il est à remarquer que les initiatives vraiment novatrices se font rares. Les structures antérieures semblent servir de creuset à un Satanisme ou Luciferianisme « moderne » qui aurait tendance à se démocratiser jusqu’à défendre la cause des opprimés. C’est le cas par exemple du Satanic Temple (pour avoir une idée vous pouvez visionner leur documentaire « Hail Satan ») qui se démarque radicalement de l’glise de Satan, en se voulant populaire, dédié à l’action sociale, et à la défense des minorités. Ils veulent rallier les laissés pour compte, et faire entendre les voix tues par l’Establishment. Ils s’inspirent de Lucifer, porteur de lumière plutôt que d’encourager à une transformation intérieure blasphématoire. L’imagerie qu’ils utilisent est clairement satanique bon enfant, et ne cherche pas à être mystérieuse ou à inspirer la crainte. Ils sont sûrement sympathiques mais ne s’adressent pas aux âmes sombres à la recherche de connaissances occultes exclusives et antinomiques.
Cependant, le meilleur est peut-être encore à venir. La Voie de la Main Gauche avec toute ce qu’elle comporte de transgressif est un égrégore qui ne cesse de prendre de la puissance pour que les promesses du démon puissent combler les âmes assoiffées de magnificences.