Abraxas, le magazine anglais de référence dans l’expression visuelle de l’ésotérisme et des arts magiques consacre l’un de ses numéros thématiques à l’influence de l’ésotérisme dans le cinéma. Certains films surpassent leur vocation de divertissement pour initier et transformer les consciences. Ces œuvres cinématographiques destinées à un public averti ne se définissent pas toujours comme une création occulte, et n’ont pas toujours été réalisées dans cette intention. La puissance de leur impact se mesure par l’utilisation de concepts hors normes soutenus par des images symboliques sophistiquées. Deux films illustrent particulièrement cette catégorie : Hellraiser basé sur le livre de Clive Barker et Antichrist de Lars von Trier.
Hellraiser, peut être regardé comme un film d’horreur « ordinaire » et pourtant les cénobites cette race étrange habitant une dimension parallèle, incarnent une philosophie relevant du Tantra Noir (Vama Marga) et du BDSM. La souffrance intense par l’altération du corps est le plaisir sensuel suprême, donnant naissance à un être horrifiquement sublime. Le corps est désassemblé, réagencé, recomposé dans ses chairs dans des agonies atroces, pour créer un nouvel amalgame organique dépassant la condition première. Les cénobites, faisant référence à la tradition monastique austère du moyen-âge puisent dans l’inconscient collectif les images suggérées de tortures ignobles, de pestes, de malédictions et d’autoflagellation d’une époque sombre et mystérieuse. Ils invitent à une ascèse troublante visant la transcendance de la dualité souffrance/plaisir, promesse d’un état supérieur. Un peu comme le vampire dont la condition glaçante de mort-vivant buveur de sang est aussi l’accès à l’immortalité. Cette voie obscure des damnés volontaires est celle des desseins sataniques, ceux qui ont choisi par goût la perversion et le Mal pour la récompense d’un pouvoir absolu. Le look cuir/nazi/goth de cet ordre de l’enfer fait aisément référence à l’univers hypersexué du BDSM où la souffrance et le plaisir, la dominance et la soumission sont les outils d’une initiation.
Signalons au passage cette série photos inspirée par Hellraiser, réalisée par le studio photos anglais "Horrify me".
Antichrist, quant à lui attaque sur un autre registre en plongeant dans la psyché de la créature féminine, incarnation diabolique et destructive. Les références chrétiennes jusque dans le titre font levier pour pousser la conscience vers l’opposé, la Nature sombre et maligne et le Chaos angoissant qui en émane. En opposition avec l’idéal de la Nature-Mère nourricière, Lars von Trier expose l’âme perverse de la femme, la sorcière qui mérite les tourments et châtiments qui lui ont été infligés. « Elle», incarnée par Charlotte Gainsbourg, est hantée par sa propre noirceur, lucide, elle extrait de sa féminité cette substance toxique qu’est la pure volonté de nuire. Elle contemple cette puissance de transgression intrinsèque, comme un trésor au cœur de ses entrailles torturées. Consciente de ce pouvoir malin, elle décide d’incarner pleinement sa vraie nature en s’abandonnant aux forces chtoniennes de la sexualité et de la mort. Cependant, le postulat du film ne vise pas à diminuer la femme par rapport à l’homme, celui-ci ne dominant pas l’histoire mais la subissant plutôt, dans une sorte d’ignorance naïve. Il ne pénètre pas dans l’univers de sa femme mais répond impulsivement manipulé par son intelligence démoniaque, sa perversité qui la rend sexuellement irrésistible. L’intention de l’œuvre dépasse toute moralité pour explorer l’abysse ténébreux et mystérieux de la femme et de la nature dans leur réalité sauvage.
Cet article est inspiré de l’article d’Abraxas mais ne le reprend pas littéralement, c’est une réflexion complémentaire sur ces deux films.
Le numéro 2 d’abraxas aborde d’autres œuvres cinématographiques, plus complexes et peut-être plus ésotériques, telles que le cinéma de Kenneth Anger « Inauguration of the pleasure dome » « Lucifer rising », sans oublier « La montagne sacrée » d’Alexandro Jodorowski ou encore Nosferatu, eine Symphonie des Grauens dirigé par F.W. Murnau, et bien d’autres.