Quand on est plongé dans la nuit de l’âme, qu’aucune lueur même infime n’est perceptible, la tentation est grande de chercher à se rassurer, pour « s’en sortir ». Comment surmonter ces ténèbres asphyxiantes et retrouver la légèreté de l’être ? D’aucuns diront que ce n’est qu’un mauvais moment à passer pour renaitre dans la lumière. Et si cette pensée si innocente n’était qu’un poison destiné à maintenir la conscience dans l’ignorance, condamnée à toujours tourner en rond de la lumière vers les ténèbres, et des ténèbres vers la lumière dans un cercle vicieux infécond ?
Abandonner tout espoir et mourir, parce que la mort est un état sans nom, impénétrable et implacable est en vérité l’unique alternative. Une fois que le rideau s’est levé, que les illusions sont tombées, on ne peut pas les « récupérer » et retrouver une insouciance moribonde. Les leurres des fables mystiques ou profanes ne peuvent plus abuser celui qui voit dans le noir. Rien ne peut remplacer la puissance d’une volonté d’annihilation dans un but initiatique. Il ne s’agit pas ici d’une incitation au suicide qui n’est qu’un acte de faiblesse. Au contraire, une métamorphose s’opère, les qualités sobres, profondes et invincibles d’un océan silencieux s’emparent de l’être. Il est devenu l’incarnation de ses monstres et terreurs, il ne craint plus rien. Il n’y aura cependant pas de retour possible au confort rassurant d’une réalité frelatée. L’âme de la nuit éternelle veille de l’autre côté du miroir.