Le monstre sacré d’Aleister Crowley, la bête 666, comme il se nommait, est pratiquement indétrônable dans le monde anglosaxon de l’occultisme contemporain. Peu s’aventurent à formuler la moindre critique à son égard de peur de s’attirer les foudres d’une communauté à laquelle ils s’identifient. L’esprit de corps instaure un politiquement correct dans un mouvement qui pourtant se targue d’ouvrir une voie rebelle et indépendante par-delà les conventions admises. Et pourtant, que dire d’un homme né d’une famille aisée et pratiquante qui après une révolte quasi puérile envers son milieu, se propulse à la tête d’un ordre de magie rituelle à la doctrine pompée sur l’orientalisme et d’autres philosophies et pratiques en vogue à cette époque ? Certains de ses écrits retransmettent des messages reçus d’une entité (Aiwass, "Le livre de la Loi") depuis une autre dimension tandis que d'autres reprennent les enseignements traditionnels du yoga et du tantra indien à la sauce british. La personnalité flamboyante de Crowley et son sens de l’aventure lui ont cependant permis d’explorer de nouveaux territoires de la psyché et c’est surement son héritage le plus précieux. Un état d’esprit. L’expérimentation sans limite de pratiques sexuelles et de l’usage de drogues dans le but de provoquer une catharsis illuminatrice étaient au centre de son enseignement. Et pour ça, oui on peut sans doute le remercier. Pauvre et héroïnomane à la fin de sa vie, il ne semble pourtant pas avoir atteint la réalisation dont il était l’avocat. Mais gardons-nous bien de juger sur les apparences. Le libéré vivant ou Jivanmukti ne présente par forcément les qualités attendues par un esprit non éclairé. Crowley est certainement un mystère.