Le choix délibéré de faire ce qui est pernicieux, contraire à la morale dans un but élevé semble ouvrir des portes insoupçonnées à ceux qui choisissent de s’engager dans cette voie périlleuse. Bien loin d’encourager une débauche débridée et une libération de surface certaines pratiques exigeantes comme celles des Aghoris en Inde impliquent une volonté antinomique dans le but d’atteindre un niveau de conscience supérieur. La vision ultime visée est celle d’une réalité non duelle où les notions de bien et de mal disparaissent en même temps que l’illusion et l’ignorance.
Selon les Aghori, sâdhus shivaïtes tantriques huit attachements doivent être systématiquement rompu pour atteindre la libération : la sympathie, l’illusion, la honte ou idée de péché, attachement à la famille, au clan, au groupe, à une caste (milieu social), et à la moralité. Une existence généralement solitaire et errante, dans le plus grand dénuement est garante de la pratique de ces renoncements sans équivoque pour ces sâdhus.
C’est en brisant les tabous impliqués dans les pratiques extrêmes de nécrophilie et cannibalisme, que les adeptes Aghoris dépassent les distinctions de bien et de mal, d’attraction et de répulsion et atteignent ainsi la libération des limitations de la condition humaine. La relation Guru/disciple est essentielle et le but ultime de fusion avec l’absolu est le même que celui des traditions shivaïtes classiques. Seuls les moyens diffèrent.
La voie des Aghoris n’est cependant pas à aborder à la légère, sans préparation ni guide et d’un aspect pratique peu adaptée à l’occident.
La dernière frontière morale serait de se demander s’il faut absolument un but noble pour s’affranchir des tabous les plus extrêmes. Le seul fait d’ouvrir son esprit à cette possibilité sans jugement ou de passer à l’acte suffit peut-être à ouvrir l’enclos de nos conditionnements. Le sacrifice d’une pureté ou innocence illusoire serait-il le prix à payer pour allumer la flamme noire de la connaissance ultime?