« Byzantium » de Neil Jordan n’est pas seulement une réponse esthétique et sensuelle aux diverses thèses et représentations vampiriques. On est bien loin du vampire aux crocs proéminents, craignant l’ail et la lumière du jour. A travers l’histoire personnelle d’Eléonore ( Saoirse Ronan) et de sa mère Clara (Gemma Atterton), sont révélées les arcanes d’un mystère occulte.
LES ARCANES :
Le rituel de passage de l’état humain à l’état vampire, se fait sur sélection scrupuleuse et n’est pas ouvert à la gente féminine. L’état de vampire est donc clairement un privilège octroyé par une fraternité occulte, et non pas une malédiction peu crédible. Le candidat brule clairement de changer sa condition humaine et d’accéder à la connaissance interdite. Il se doit pour cela de s’engager à utiliser ses facultés surnaturelles au service d’une mission spécifique visant à une amélioration dans le monde. Ce thème n’est cependant qu’effleuré et c’est dommage.
Le lieu de l’« initiation » est précis, une grotte sur une ile que seuls connaissent les membres de la fraternité. Le futur vampire doit se rendre seul dans la grotte et y vivre une mort puis une seconde naissance.
L’aspect maléfique et prédateur du vampire buveur de sang, est contrebalancé par sa conscience portant une responsabilité vis-à-vis de l’humanité. Ce sont des monstres aux desseins nobles…Tout comme le pouvoir magique réel n’est donné qu’au mage faisant preuve de sagesse, l’état de vampire n’est accessible qu’à celui capable de sacrifice « (il faut être prêt à mourir »). Durant le rituel le candidat fait face à lui-même et meurt, une partie de lui s’éteint pour donner naissance à un autre lui-même en apparence identique. Il semble qu’il perde son âme au passage mais n’en ressente aucune souffrance morale.
L’HISTOIRE PERSONNELLE :
Les deux personnages centraux sont vampires par erreur, Clara la mère a usurpé sa condition en volant le plan de l’ile à un futur candidat désigné par la fraternité et a transformé sa fille illicitement. Eléonore, la fille est la victime problématique, celle qui est vampire sans le vouloir. Elle lutte contre sa condition de prédateur et met un point d’honneur à n’aspirer la vie que de vieillards consentants. C’est loin d’être sexy mais au moins elle a bonne conscience.
Une atmosphère « old goth » des années 80/90 est clairement recherché et cadre bien avec l’existence de sanguine junkie de Clara, la mère, pute éternelle.
La fille en contraste avec la mère, a reçu une éducation stricte et religieuse dont la morale l’a clairement imprégnée la mettant en porte-à-faux avec sa vie de vampire. La thèse en sous-titrage du film semble dire que l’éducation que l’on reçoit, le milieu d’où l’on vient détermine irréversiblement notre attitude dans la vie par-delà les conditions. On est marqué. La fille ne supporte plus de vivre dans le secret et souffre de solitude, elle a envie de se sentir humaine et semblable aux autres. Pour cela, elle s’engage dans un projet de communication destiné à promouvoir son « coming out » et celui de la race des vampires vivant dans l’ombre.
L’histoire d’amour entre la fille et le jeune homme maladif, Frank (Caleb Landy Jones) atteint de leucémie est touchante, unis par leur fragilité complémentaire, qui les guidera tout naturellement vers leur destin de couple vampirique bien mérité.